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                   Le raid « French Travel Eco Fly »

 

  • LA GENESE D’UN RECORD.

             En août 2008, lors de la construction de mon Gaz’aile2, je me posais déjà la question de l’après construction et comment utiliser pleinement mon futur Gaz’aile. En tant qu’ancien marin et navigateur, j’ai toujours beaucoup apprécié les longues navigations qui m’ont fait parcourir la planète. C’est donc dans cet esprit qu’à commencé à naître l’idée d’un raid aérien. Cela présentait deux avantages, celui de me faire plaisir, et celui de mettre en valeur les capacités exceptionnelles de l’avion, du moins théoriques à ce moment là, puisqu’il n’était pas fini.

              Il fallait trouver un parcours qui mette en valeur l’autonomie importante du Gaz’aile et sa faible consommation, tout en restant accessible à de nombreux amateurs.   Pour que d'autres pilotes puissent par la suite tenter l'aventure, cela devait être financièrement peu cher pour rester dans l'esprit économique de la machine, avoir le moins de contraintes réglementaires possibles, mais présentant tout de même un challenge à relever.

              Pour s'affranchir des contraintes linguistiques et de la qualification anglaise de communication radio, cela devait se passer sur le territoire national. Pour être accessible à tous, y compris aux Ulm, il fallait partir et atterrir d'un aérodrome non contrôlé, ouvert à la Circulation Aérienne Publique. J'ai donc choisi les deux terrains les plus distants en France qui sont Ouessant et Propriano. Ainsi est né le "French Travel Eco Fly"

             Le parcours est donc très intéressant car il relie les deux îles les plus éloignées de métropole (ça c'est pour la symbolique), il offre une variété de régions à survoler avec des reliefs très divers. En partant d’Ouessant, on commence par affronter  le climat Breton (attention à la brume de mer et au vent), et le premier survol maritime, la mer d'Iroise. Ensuite on fait du vol de plaine en longeant la façade Atlantique. Arrivé à la hauteur de Limoges se présente le Massif Central qu'il faut franchir, puis la vallée du Rhône, passer les Massifs de Haute Provence et le Massif des Maures. Arrivé à St Tropez, on se lance pour une heure et demie de survol maritime de la Méditerranée jusqu'à Propriano. Soit un trajet  total de 1409 km  assez varié.

              Je voulais grâce à ce parcours apporter la preuve que le Gaz’aile est vraiment un appareil fabuleux, totalement dans l’esprit du RSA et de la construction amateur. Pour cela l’avion doit être strictement conforme à la liasse de plan de construction, aucune modification  particulière n’est apportée pour réaliser le trajet. C’est l’avion de tous les jours dans lequel il y a juste à faire le plein pour tenter l’aventure. Donc exit les bêtes de course super préparées et coûtant des fortunes, totalement inaccessibles ou produites à un seul exemplaire dans uniquement un but de record. Il faut rester dans l’idée d’une aviation populaire, démocratique et surtout économique.

                Il en ressort les critères suivants pour le challenge : le parcours doit être fait en un seul vol (ça c'est pour le côté aventure), dans le sens que l'on veut, avec un critère économique. C'est à dire un avion peu cher tant à la construction (ou à l'achat), qu'en utilisation, et cela à une vitesse "normale" de croisière pour la machine. Le but étant de démontrer qu'avec peu de moyens, il est possible avec nos petits avions de vivre de belles aventures, bien plus intéressantes que les tours de piste ou les vols locaux habituels. Cela s'inscrit totalement dans le développement et le rayonnement de l'aviation légère, voir très légère.

 

  • LA PREPARATION

                  C’est bien d’avoir l’idée, mais comme aurait dit un certain M. Latécoère, il va maintenant falloir la réaliser. Mon Gaz’aile ayant pris son envol en mai 2009, il me paraissait trop précoce de tenter l’aventure la même année. J’ai donc consacré les débuts de l’année 2010 à la préparation de ce raid de façon à être prêt pour le printemps.

Plusieurs aspects doivent être maitrisés pour un tel périple : l’avion, le pilote, la navigation, et l’environnement.

            L’avion : Il faut que la machine soit bien  fiabilisée. Pour cela j’ai beaucoup volé cette première année en effectuant  plus de 160 h de vol. Plusieurs  longs vols de consommation à différents régimes ont été effectués,  et la machine aura été parfaitement réglée pour avoir un pilotage des plus faciles vu la durée du vol.

             Le pilote : Le raid ayant une durée estimé entre 7 et 8h, la gestion des petits besoins naturels pose  quelques soucis. La solution a été  l’achat de sacs spécifiques à cet usage, contenant une poudre qui gélifie l’urine. Dans ma vie de marin j’avais eu l’expérience d’une navigation très musclée durant laquelle j’avais du effectuer près de 12 heures non stop à la barre d’un voilier, sans manger, boire, ni uriner avec en plus des embruns salée dans la figure. J’étais donc confiant sur ma résistance à rester 8h dans un cockpit d’avion. Mon expérience aéronautique se limitant à environs 400 heures de vol en aéroclub, et principalement des navigations en plaine dans la région du Grand Ouest, ce raid allait être pour moi la découverte du vol en montagne, la région du sud de la France, et le survol maritime de longue durée.

              La navigation : Le choix fut assez simple. La ligne droite étant le chemin le plus court, j’ai donc tiré un trait entre Brest et le VOR de St Tropez. Le hasard faisant bien les choses, je n’avais que très peu de ZIT (les centrales nucléaires) à contourner. Donc au départ, le cheminement classique de Ouessant jusqu’à Brest pour survoler la mer d’Iroise, après tout droit jusqu’à St Tropez, et ensuite le cheminement classique par le point Merlu pour le survol de la méditerranée, puis descente le long de la côte  jusqu’à Propriano.

             L’environnement : C’est la partie la moins maîtrisable. Le vol se faisant bien évidement en VFR, il fallait trouver une fenêtre météo favorable tant sur les plans de la nébulosité que celui du vent. L’idéal étant l’arrivée d’un anticyclone donnant un vent de nord et permettant de ne pas avoir trop de nuage sur le parcours. Autre point délicat la gestion des zones militaires qui peuvent très vite vous barrer la route et faire capoter le projet. Le dernier point étant la disponibilité professionnelle car je n’ai pas encore l’âge de la retraite. Le problème sera de faire prendre la mayonnaise avec ses trois paramètres. Un peu à l’image de ces trimarans qui font le trophée « Jules Verne » autour du monde, il faut que l’avion soit prêt à partir à tout moment dès que se présente le créneau où tous ces éléments passent au vert.

 

  • LA REALISATION

                   Le 2 juin une fenêtre est en train de s’ouvrir. L’anticyclone arrive, les vents sont au nord sur une bonne partie de la France et un bon mistral est établi à 75 km/h qui devrait m’expédier comme une fusée vers la Corse. J’ai encore une inconnue sur la nébulosité  au dessus du Massif Central, mais je décide de tenter le coup. Je quitte donc Ouessant vers midi, mais après avoir passé le golfe du Morbihan, un petit problème technique m’incite à ne pas poursuivre de façon à me préserver une nouvelle chance pour le lendemain.

                   Ce 3 juin je décide de partir un peu plus tôt et c’est donc à 9h10 que les roues de mon Gaz’aile quittent la piste de Ouessant avec en ligne de mire le terrain de Propriano. Malheureusement l’anticyclone a eu le temps de bien s’établir sur la France et c’est avec un vent plein Est de près de 20 nœuds que commence l’aventure. Bilan, une vitesse sol  qui a bien du mal à dépasser les 150 km/h, et à ce rythme là je ne pourrai même pas arriver jusqu’en Corse. Je décide tout de même de poursuivre, il sera toujours temps d’arrêter si cela ne passe pas. Arrivé à hauteur de Poitiers je constate que le vent est presque nul car la vitesse sol va mieux, et je vois quelques fumées au sol qui montent toutes droites. A ce stade un bilan consommation m’autorise à poursuivre, car si la situation ne se dégrade pas j’ai encore l’autonomie pour y arriver. Cependant une autre difficulté se présente et de taille, le Massif Central ! Une bande nuageuse est au dessus du relief, et comme je commence à avoir du vent porteur, je décide de  passer au dessus des nuages espérant avoir en altitude un vent plus fort dans le bon sens. Je sais qu’au dessus de la vallée du Rhône c’est ciel bleu, donc pas de problème pour redescendre après les reliefs. Ce ne fut malheureusement pas un bon choix. Les nuages m’ont obligé à monter jusqu’àu niveau 75, et je n’ai pas le vent fort escompté. Ma vitesse sol est retombée à un petit 160 km/h et je sens mon challenge qui m’échappe. Il faut vite sortir de cette situation défavorable et très stressante, car si j’ai un problème moteur, cela peut devenir très délicat avec cette couche compacte juste sous mes ailes, et un relief en dessous que j’imagine très peu accueillant. Il faudra que j’attende une bonne demi-heure pour trouver un trou de souris qui me permette de repasser sous la couche. Ça y est c’est fait ! En redescendant je retrouve des thermiques que je transforme en vitesse, et même si le sol n’est pas propice à un atterrissage en campagne, je suis un peu plus rassuré que tout là haut. Les turbulences sont assez puissantes et plusieurs fois je vais taper la verrière, mais je sais que le Gaz’aile est solide, et au moins l’avion avance bien. Ma vitesse sol est de près de 190 km/h et je sais que maintenant ça va aboutir. Une fois le Massif Central passé, le reste du parcours jusqu’à St Tropez est sans problème et je profite pleinement du paysage que je découvre pour la première fois. Il y a beaucoup de zones militaires actives, des planeurs et du trafic avions car c’est le salon Eur-Avia à Cannes, mais les contrôleurs sont très sympas. J’ai l’impression qu’ils le sont encore plus que d’habitude, peut être le fait que je sois sous plan de vol. Je m’amuse à imaginer leur étonnement lorsqu’ils doivent lire le nom du terrain de départ et celui d’arrivée, une seule personne à bord, la durée du vol déclarée et le type de l’avion. Ça y est, St Tropez est sous les ailes et devant c’est tout bleu du sol au plafond. L’autonomie est revérifiée, tout est clair. Parait que l’avion ne sait pas qu’il est au dessus de l’eau, on va donc surtout pas lui dire…. Moi qui pensais qu’au mois de juin il y aurait beaucoup de plaisanciers sur l’eau, tout faut ! Il n’y a presque personne ! On navigue que l’été en méditerranée ? Bref y a plus qu’à espérer que mon bon petit diesel ne me fasse pas de coup tordu. Même si j’ai tout prévu, imaginé cent fois un éventuel amerrissage, je n’ai pas du tout envie de voir si mon scénario est réaliste. Drôle de sensation d’être seul au monde. Du bleu dessus, du bleu dessous, seul dans l’avion, et aucune terre ni personne en vue… y a quelqu’un ? Enfin les montagnes Corse pointent le bout de leur nez, et même si je sais que je suis toujours en situation de survol maritime je me sens un peu rassuré. Les paysages sont superbes et j’en profite pleinement même si je ne vais pas être fâché d’arriver dans peu de temps. Je traverse facilement la TMA d’Ajaccio. Je sens les contrôleurs très sympas à la radio, et j’ai bizarrement le sentiment d’être attendu. Enfin le terrain de Propriano est en vue et c’est sans surprise que j’intègre le circuit de piste. Merci Google earth et Géoportail pour l’étude de la plate forme et les simulations d’arrivées. Un dernier virage, puis la finale pour la piste 28, encore quelques secondes de concentration et le pari aura été relevé. Ça y est, posé, mais je ne suis pas au bout de mes surprises. Durant mon vol le bruit sur la réalisation de ce record est parvenu aux oreilles des médias, et c’est une équipe de télévision et des journalistes qui m’accueillent  dès le moteur coupé. Je vais rester encore un bon quart d’heure avant de pouvoir descendre de l’avion à répondre aux questions et à l’étonnement  des journalistes. Comment avec un si petit avion et tout seul, peut-on traverser la France avec si peu de carburant… ? C’est effectivement incroyable, mais mon Gaz’aile, un petit avion que j’ai moi-même construit, vient de traverser la France métropolitaine dans sa plus grande longueur, en seulement 7h57 et cela en utilisant seulement 54 L de gazole sur les 67 L du réservoir. Il me restait encore 13 L, assez pour aller jusqu’en Sardaigne.

                       Pour valider ce record de façon officieuse (je ne pouvais pas me permettre de m’offrir les services de deux commissaires pour une validation officielle),  j’avais embarqué une balise GPS qui retransmettait en temps réel ma position sur un serveur. J’ai su par la suite que plus de 1500 personnes se sont connectées via internet sur ce serveur, et ont suivi en direct mon aventure. Pour la petite histoire, cette balise envoie ma position via le réseau téléphonique. Bien évidement au milieu de la Méditerranée, plus de couverture réseau, donc perte de la balise. Je suis donc désolé de la grosse frayeur que j’ai occasionnée  à beaucoup de gens et surtout à mon épouse, qui ont bien cru que mon aventure s’était terminée par un joli trou dans l’eau. Et dire que je n’avais même pas de gourmette à laisser au fond de la Méditerranée pour qu’un jour on me retrouve…. Heureusement tout est rentré dans l’ordre une fois rapproché de la Corse.

                      J’ai reçu un très bon accueil à Propriano, et je confirme que c’est vraiment un terrain à ne pas louper si vous aller en Corse. M. José Vargas le Président de l’aéroclub, ainsi que M. et Mme Scanavino les responsables du restaurant de la plate-forme, ont tout fait pour me faciliter mon bref séjour. J’ai ainsi pu ravitailler très rapidement,  me restaurer, et disposer des locaux du club pour la nuit.

                       Le lendemain, la situation météo étant toujours excellente, je décide de rentrer, avec comme programme de faire escale à La Baule pour le rassemblement Ouest du RSA. C’est donc vers 9h10 que je redécolle de Propriano pour à nouveau 1h30 de survol maritime. La Corse m’offre un paysage magnifique à cette heure de la matinée. La montagne émerge des petits bancs de brume, et un soleil encore bas procure un éclairage splendide. Le retour qui se fait exactement par le même chemin que la veille, me semble beaucoup moins stressant. Je pense que c’est en grande partie du au fait que je sais maintenant ce qui m’attend. La météo est aussi bien meilleure et il n’y a presque pas de nuage sur le Massif Central. A hauteur de Poitiers je constate que le chrono est un peu meilleur que la veille. Les difficultés dues au relief sont désormais passées et j’entrevois la possibilité de battre le temps de référence que j’avais établi la veille. J’ai l’autonomie pour rallier Ouessant, je me dis que je ne suis pas près de refaire ce genre d’aventure, je suis physiquement en forme pour refaire la totalité du parcours, donc allons-y ! J’annule le plan de vol pour La Baule et en route pour Ouessant. J’essaie de piloter le plus fin et le plus doucement possible pour transformer les moindres petites ascendances en gain de vitesse supplémentaire. Arrivé aux environs de Brest, j’entends à la radio la voix de Serge Pennec qui grâce au suivit de la balise GPS avait compris que je tentais à nouveau de battre le record. Il est en route lui aussi pour Ouessant avec le prototype du Gaz’aile. Je pense que je vais avoir un petit comité d’accueil. Mais Ouessant se mérite, et une fois franchi la côte je distingue une légère brume de mer qui m’empêche de voir l’île pourtant toute proche. J’ai peur qu’arrivé si près du but je ne puisse valider mon record. Il me faudra attendre de franchir l’île de Molène pour être sûr d’atteindre ma destination finale. Allez, un dernier virage, une courte finale et enfin le posé sur cette terre du bout du monde. Top chrono, 7h28 pour parcourir cette seconde traversée de la France. Comme je l’avais entendu à la radio, je suis accueilli par Serge Pennec le concepteur de cet avion, ainsi que par une journaliste du « Télégramme de Brest ». Nous faisons un rapide débriefing et surtout un bilan de consommation qui donne 51 L de gazole pour faire la distance. Ce sera la nouvelle référence de ce challenge. Mais il ne faut pas s’attarder car déjà la tour du Stiff est dans la brume de mer et si nous ne redécollons pas tout de suite, on est bon pour passer la nuit sur l’île. Retour vers Brest par le chemin des îles et enfin le tout dernier posé de cette aventure. A peine le contact coupé et descendu de l’avion, je reçois un accueil des plus chaleureux des membres de l’aéroclub présent sur la plate forme, pour ce qui commence à ressembler si ce n’est un exploit, du moins une belle performance d’aviation légère d’amateur. Car il faut le redire, l'exploit dans cette aventure c'est avant tout l'avion qui le réalise de par ses performances, moi je n'ai fait que l'assiter. Aller! direction le bar du club pour la tournée générale avec une boisson bien fraiche avec  beaucoup de bulles…. Champagne !

 

  • LE BILAN

                 Il y a un an cela avait été dit, beaucoup n’y croyaient pas, et pourtant c’est maintenant fait. Ainsi, ce 4 juin 2010, le Gaz'aile 007 "Fou de Bassan" et son pilote constructeur, ont  effectué les 1409 km du parcours entre Ouessant et Propriano en un seul vol de 7h28 à une moyenne de 188 km/h, avec une consommation de seulement 51L de carburant. Cela représente 6,8 L à l’heure, ou 3,6 L au 100 km,  et environ 58 € de coût pour du gazole. Cela avec un appareil qui n'aura coûté pour sa construction qu’environ 13 000 €. Bien sûr ce n’est qu’un tout petit exploit dans la grande aventure de l’aviation, mais il apporte la démonstration que le projet « Gaz’aile » n’est pas une idée en l’air, mais bel et bien un concept qui fonctionne parfaitement. C’est la preuve que grâce à la construction amateur, il est toujours possible avec des budgets très raisonnables de vivre des très belles aventures aéronautiques. Le Gaz’aile en tenant ses promesses est sans aucun doute l’avion du moment qui dynamise l’aviation populaire comme l’ont été  en d’autre temps le « Pou du Ciel » ou les Jodels. Je souhaite aux futurs pilotes de Gaz’aile, autant de plaisir que j’ai pu en avoir durant cette première année de vol et cette aventure. Maintenant, nous ne pouvons qu’espérer qu’un jour, un autre concepteur soit aussi audacieux que Serge Pennec, pour concevoir un avion capable de faire encore mieux que ce que vient de réaliser le Gaz’aile aujourd’hui, et toujours dans cet esprit d’aviation économique accessible au plus grand nombre.

 

Bon vol à tous !

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